jeudi 11 juillet 2013

Deux petits pas sur le sable mouillé, Anne-Dauphine Julliand

Couverture Deux petits pas sur le sable mouillé


C’est un témoignage d’une rare richesse dont je voudrais vous parler aujourd'hui. Mon grand-père me l’a conseillé après avoir entendu son auteur à la télévision (mon grand-père aime beaucoup me conseiller une myriade de livres que lui ne lira jamais, m’enfin, cette fois, je suis bien contente qu’il ait insisté). 

Il est très rare qu’un livre me fasse verser une larme. Pour le coup, j’ai carrément eu les larmes aux yeux du début à la fin ! Et ce témoignage m’a bouleversé sur le long terme. Pendant des jours après la fin de ma lecture, j’y revenais sans cesse et quand j’y repense maintenant j’en suis encore complètement retournée…  


L'histoire commence sur une plage, quand Anne-Dauphine remarque que sa petite fille marche d'un pas un peu hésitant, son pied pointant vers l'extérieur.

Après une série d'examens, les médecins découvrent que Thaïs est atteinte d'une maladie génétique orpheline. Elle vient de fêter ses deux ans et il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. Alors l'auteur fait une promesse à sa fille : "Tu vas avoir une belle vie. Pas une vie comme les autres petites filles, mais une vie dont tu pourras être fière. Et où tu ne manqueras jamais d'amour."

Ce livre raconte l'histoire de cette promesse et la beauté de cet amour. Tout ce qu'un couple, une famille, des amis sont capables de mobiliser et de donner.

Il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu'on ne peut ajouter de jours à la vie.


C’est une histoire terrible dont nous fait part Anne-Dauphine de son regard de mère. On apprend avec elle, en même temps qu’elle, ce qu’est la leucodystrophie métachromatique et ce qu’elle implique. C’est contre ce type de maladies gravissimes que se bat l’association ELA qui a un grand rôle dans la  vie de Thaïs, qui va permettre à cette famille de partir en vacances malgré la difficulté du quotidien. La solidarité est d’ailleurs une composante importante de ce témoignage. Entre l’association, l’équipe médicale, les amis et la famille élargie, Thaïs a été bien entourée et l’on sent la reconnaissance de sa famille dans ce récit. 

Le plus dur est la dégradation progressive et irrémédiable de l’état de Thaïs. Chaque étape de sa maladie est extrêmement difficile à vivre et à lire. A chaque fois (quand Thaïs perd l’usage de ses jambes, puis de la parole, puis de la vue, etc.), il faut un regain d’énergie et on se demande où Anne-Dauphine et son mari sont allé chercher cette énergie ! 

On peut se dire qu’ils n’ont tout simplement pas eu le choix mais leur attitude est au-delà de la simple résignation. C’est un véritable courage qui est déployé pour conserver de la joie, du bonheur et de l’amour au cœur du pire. On voit bien que l’objectif n’est pas de simuler une vie normale (comment aurait-ce été possible quand deux des enfants sont à l’hôpital dans des services différents, quand n’importe quel geste du quotidien devient compliqué ?) mais bien de faire de cette vie si différente une vie qui vaut la peine d’être vécue. 

On ressent cette force dans la façon de raconter qui n’est jamais pathétique. Malgré la description qui se veut la plus objective possible des événements, et Dieu sait qu’ils sont affreux, on ne tombe à aucun moment dans le pathos.  L’écriture est simple et touchante, authentique, fidèle à la réalité dans tout ce qu’elle a d’horrible mais de beau aussi. 

Le témoignage ne serait pas ce qu’il est sans le récit des anecdotes liées aux enfants en or du couple qui sont tellement mûrs et forts. Gaspard, l’aîné de cinq ans, est particulièrement touchant et a souvent des réflexions surprenantes et intelligentes. Il joue avec ses sœurs comme si de rien n’était malgré la conscience profonde qu’il a de la situation dramatique. Il arrive à garder sa place dans le foyer, sans que sa présence soit occultée par la maladie (c’est là encore une preuve de la sagesse de ces parents et de leurs efforts pour préserver une vie équilibrée). Thaïs, de son côté,  impressionne tout au long de son parcours par son courage. Elle est très émouvante et expressive. Elle parvient à jouer et à donner de l’amour jusque dans les pires moments (la scène où elle joue à cache-cache au plus fort de sa maladie m’a marquée pour toujours). Et Azylis, la petite dernière qui est aussi atteinte par la maladie mais soulagée par une greffe dans les premiers jours de sa vie, apporte un peu de légèreté, un souffle d’air frais.

Ce livre nous change en profondeur. C’est une formidable leçon d’humilité et de courage qui nous apprend ce que « relativiser » veut dire avec délicatesse, pudeur et humanité.

Un témoignage que je n’oublierai pas ! 


♥♥♥♥♥


Aujourd'hui Gaspard et le petit Arthur né après le drame de Thaïs se portent bien et conservent leur joie de vivre. Azylis se bat contre la maladie qui progresse lentement grâce à la greffe dont elle a bénéficié à la naissance. La famille est toujours unie et s’efforce de transmettre et de rester heureuse. Voici une vidéo très émouvante dans laquelle Anne-Dauphine Julliand témoigne et raconte leur vie maintenant. Un deuxième livre est d’ailleurs paru, qui relate des événements plus récents, postérieurs à la mort de la petite Thaïs et qui fait la part plus belle à l’importance de la foi pour la famille.




Quelques citations :

"-Maman, pourquoi tu ne m'as pas dit tout de suite que Ticola [mon hamster] était mort?
-Mais je te l'ai dit, Gaspard, dès que je l'ai appris.
-Non, je veux dire, pourquoi tu as dit qu'il était parti? C'est bizarre. Tu savais qu'il n'était pas parti puisqu'il ne reviendra pas. Et tu l'as dit quand même.
-Oui c'est vrai, mais j'avais peur de te dire qu'il était mort. C'est un mot difficile à prononcer, du moins pour les grandes personnes.
-Eh bien moi, je préfère entendre: "Il est mort." Moi je n'ai pas peur de la mort. Tout le monde va mourir. C'est pas grave la mort. C'est triste, mais pas grave."


"Comment fait-elle pour tout endurer avec le sourire ? Où puise-t-elle cette paix et cette force pour supporter tant d'épreuves ? Bien sûr, on peut penser que ce n'est qu'une enfant. On peut se dire qu'elle n'a pas conscience de tout, qu'elle n'envisage pas l'avenir, qu'elle oublie vite les mauvaises expériences passées, etc. Oui, bien sûr. Mais il n'y a pas que cela, je le sens. Thaïs ne subit pas sa maladie, elle vit sa vie. Elle se bat pour ce qu'elle peut changer, elle accepte ce qu'elle ne peut éviter. Quelle sagesse ! Quelle leçon ! Cette petite fille force mon admiration. Je ne suis pas la seule à ressentir cela. L'infirmière en sortant lui dit doucement : "A tout à l'heure Princesse Courage"..."