mercredi 1 mai 2013

A la croisée des mondes, Philip Pullman


Je suis de retour (mais pour combien de temps... ma vie est trop mouvementée ^^) avec le chef-d'oeuvre de Philip Pullman, la saga A la croisée des mondes (His dark materials). J’ai lu cette trilogie deux fois en entier (et d'affilée) mais j’ai dû relire le premier tome une quinzaine de fois (au moins) ! La première fois, j’avais à peine 11 ans (comme Lyra d’ailleurs), j’étais en sixième et j’ai a-do-ré ! La seconde, ce fut l’année dernière. J’ai mieux analysé, j’ai eu un regard beaucoup plus critique mais, l’un dans l’autre, je conserve mon coup de cœur !


Comme pour mon article sur la saga Hunger Games, je vous propose un découpage en deux parties :
-  Les points transversaux de la trilogie
-   Mon avis tome par tome

Je vais essayer de rester superficielle pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture et de la découverte pour ceux qui ne l'ont pas lu (et ceux qui l'ont lu sauront de quoi je parle ^^).

C’est parti ?


 


1° Points transversaux

1°1 La plume de Philip Pullman

Cette trilogie est extrêmement bien écrite, très agréable à lire, le style est terriblement addictif ! La plume est à la fois subtile et dynamique. Les descriptions convoquent parfaitement l’univers du récit, les dialogues sont très bien menés avec un registre de langage adapté au personnage mais jamais enfantin pour autant. Pour une saga étiquetée jeunesse (alors que franchement, ce n’est pas vraiment justifié), l’écriture est très travaillée même, parfois, complexe pour les plus jeunes, je pense. Après, je n’ai lu qu’en français... Même si je pense que le texte original est très bon, j’aimerais souligner l’excellent travail du traducteur tant au niveau général que pour les termes associés au monde de Pullman.


1°2 L’univers de la saga

Mais où Philip Pullman est-il allé chercher tout ça ?! C’est certainement l’univers fantastique de la littérature qui m’a le plus fasciné de tout ce que j’ai pu lire ! Tout me plait : l’idée des différents mondes, les enjeux de pouvoir, le poignard subtil, l’aléthiomètre, les daemons bien sûr (je me suis toujours demandé quelle forme mon daemon prendrait...).  J’ai aimé cette incursion subtile du fantastique dans un monde que l’on connait ou que l’on pourrait connaitre, différent juste comme il faut du nôtre.  Comme toujours, j’ai moins apprécié les éléments trop merveilleux pour moi : les sorcières, les ours, les anges, les Mulefas. Mais, dans cette trilogie, ça ne m’a pas plus embêté que cela : ces éléments sont introduits progressivement et s'insèrent parfaitement dans l'univers créé. C'est là un autre point particulièrement génial à souligner : le rythme d’apparition des éléments est parfait, nous avons juste le temps d’assimiler mais pas le temps de s’ennuyer. Nous sommes toujours dans la découverte, dans l'attente d'un élément qui éclairera les événements.Quel suspense et quelle maîtrise !

J'aurais néanmoins quelques critiques à ajouter. D'une part, Pullman tombe dans un schéma traditionnel avec le personnage de l'élue, Lyra. Pourquoi elle ? Pourquoi faut-il toujours un élu avec une prophétie ? Evidemment, c'est efficace mais ce n'est pas très original. Pour le coup, j'ai préféré Will qui s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Même si, comme par hasard, c'est un garçon au passé trouble et d'une grande morale, son implication dans l'aventure semble davantage fortuite et plus naturelle. Il est plus facile de s'identifier à ce jeune homme qu'à Lyra par le fait.

Ma seconde critique tiendra au fond du message que transmet Pullman : l'objectif à terme est de détruire l'Autorité et le Magisterium (comprenez Dieu et l'Eglise). Pour ma part, mettre tous les maux du monde sur l'existence de l'Eglise me paraît un peu facile et par trop manichéen. En outre, au-delà d'un anticléricalisme qui confine à la caricature mais que je peux admettre, je ne comprends pas cette volonté d'en finir avec Dieu et de l'opposer à la liberté et au plaisir : n'avons-nous pas la liberté de croire et d'en tirer un certain bien-être, Monsieur Pullman?  
Mais enfin, au vu de la qualité de l'histoire et de la richesse du monde créé, j'ai facilement fait abstraction de ces sous-entendus radicaux pour me concentrer sur le sens au pied de la lettre et l'exhaltation que nous procure la quête de Lyra et de ses amis (les cathos sont loin d'être des gens obtus, n'en doutez pas ! ^^).

  
1°3 Les personnages

Lyra est la fillette que j’ai rêvé d’être, enfant : courageuse voire téméraire, enthousiaste, audacieuse (menteuse à ses heures mais pour la bonne cause), vive, intelligente, intuitive ! Les qualificatifs ne manquent pas. Cependant, dès ma première lecture mais surtout récemment, elle m’a fortement agacée. On la découvre sous un autre jour également. C'est une enfant très sûre d'elle jusqu'à l'arrogance. Elle est aussi réglièrement capricieuse et colérique. Malgré cela (et heureusement), on s’attache vraiment à elle et à son daemon, Pantalaimon. Ce dernier a souvent des réactions opposées à celle de Lyra : il est craintif, plus réfléchi (comme le fond du cœur de Lyra ?). En tout cas, c’est l’héroïne idéale, celle qui permet de rendre l’histoire palpitante d’autant plus que Lyra grandit et évolue au cours des tomes, elle apprend de ses erreurs et s'assagit. 

Will Parry n'apparaît que dans le deuxième tome mais on a l'impression de la connaitre autant que Lyra et on se demande comment on a pu s'en passer tout ce temps ! Lors de ma première lecture, à 11 ans, j’avais un gros faible pour lui ^^. Normal, me direz-vous, il est parfait : il est plus adulte que Lyra et est donc rassurant. Je ne lui trouve que des qualités : réfléchi et courageux, intègre et volontaire. Will évolue finalement moins que Lyra parce qu'il en a moins besoin, en fait. Il reste fidèle à lui-même tout au long de l'aventure et apporte une stabilité nécessaire.

Madame Coulter et Lord Asriel sont deux personnages tout en nuances. Ni bons, ni mauvais, c'est la soif de pouvoir qui les guide et les rassemble. J'ai détesté la doucereuse Marisa Coulter dès le début. Elle est fausse mais elle reste fascinante et presque touchante à certains moments : lorsqu’elle est moins sûre d’elle, quand elle ne peut plus tout contrôler, quand elle semble capable d’éprouver des sentiments. Mais même dans ces situations reste son affreux daemon ! Lord Asriel m'a posé quelques problèmes : intellectuellement, évidemment ce personnage est central. C'est le fondateur de la République des Cieux (l'histoire n'irait pas loin sans lui), il a un passé trouble, il cherche à contrôler totalement les événements, les gens et ses propres sentiments... Bref de quoi en faire un personnage de grande envergure ! Mais il ne m’a jamais touché réellement. C’est très étrange. Je crois qu’il est trop fidèle aux stéréotypes de ce type de roman, trop ténébreux, il en sait trop et tout et tout...

Les personnages secondaires sont aussi très étudiés. Inoubliables au même titre que les principaux. Je pense notamment à Farder Coram que j’ai a-do-ré ! Ou bien sûr à Lee Scoresby : mon personnage préféré vraiment ! Il apporte une dose d’humour mais aussi d'émotion à l'histoire. Je ne suis pas la seule à l'avoir adoré puisque Pullman a ensuite écrit une préquelle le concernant (que je n’ai pas encore lu mais ça ne saurait tarder). J'ai moins aimé Mary Malone, elle est très importante, certes, mais pas très touchante (et je n'ai pas accroché aux Mulefas, ça n'aide pas).

Pour conclure cette partie, je dirai que les personnages sont une autre grande force de cette trilogie. Hautement réalistes dans leurs caractères et dans leurs réactions, très travaillés, susceptibles d'évoluer, aucun ne laisse indifférent, des personnages principaux jusqu'aux derniers des personnages secondaires !


2° Tome par tome

Attention, les tomes 2 et 3 révèlent naturellement des événements du premier tome...

2°1 Les royaumes du Nord



Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l'atmosphère confinée du prestigieux Jordan College, est-elle l'objet de tant d'attentions ? Lorsque son meilleur ami disparaît, elle se lance sur ses traces. Un périlleux voyage vers le Grand Nord, qui lui révélera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d'un autre monde.

Une pépite ! Un début in medias res qui aide vraiment et qui fait qu’on ne peut pas lâcher ce livre avant la fin. Tant de questions sont posées en vingt pages et nous plongent directement au cœur de l'aventure !  Les personnages sont très riches, on ne peut que se sentir concerné par ce qui leur arrive.

Quand j’étais petite, lors de ma première lecture, c’était incontestablement mon tome préféré. Il y a certainement plus d’action, plus de paysages à découvrir que dans les autres tomes. La découverte d’un monde si proche et si lointain du notre m'a fascinée et la fin est pleine de promesses. Je n’y vois quasiment aucun défaut en fait !

♥♥♥♥♥


2°2 La tour des anges



Le jeune Will, à la recherche de son père disparu depuis de longues années, est persuadé d’avoir tué un homme. Dans sa fuite, il franchit une brèche presque invisible qui lui permet de passer dans un monde parallèle. Là, à Cittàgazze, la ville au-delà de l’Aurore, il rencontre Lyra, l’héroïne des "Royaumes du Nord". Elle aussi cherche à rejoindre son père, elle aussi est investie d’une mission dont elle ne connaît pas encore toute l’importance. Ensemble, les deux enfants devront lutter contre les forces obscures du mal et, pour accomplir leur quête, pénétrer dans la mystérieuse tour des Anges…

Voilà un tome avec lequel j’ai eu plus de difficultés lors de ma première lecture. Avec le recul, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être parce qu’il est plus lent, parce que l’atmosphère change du tout au tout par rapport au premier, parce qu’il faut se réadapter à de nouveaux personnages et ne pas se perdre entre les mondes (les petits dessins-repères en haut des chapitres signalant le monde où l'on se trouve sont vraiment une excellente idée d'ailleurs).

A la relecture, je n’ai pas peur d’affirmer que c’est là mon tome préféré : d’une part il y a l’arrivée de Will, alors bon ben voilà quoi ^^. Mais outre ce détail (ahahah), je trouve que tout est parfait : le monde angoissant et oppressant de Cittàgazze, les nouvelles trouvailles de Pullman comme les spectres. L’histoire du poignard m’a exaltée tout comme l’apprentissage difficile de Will.

La fin m’a un peu moins plu : elle est quelque peu rapide, vite expédiée (mais, après tout, c'est ainsi que la vivent les héros). J'ai également été moins absorbée par l’histoire de Mary Malone et des ombres qui lui parlent : c’est étrange quand même (et moins "naturel" que l'aléthiomètre). Mais, je le répète, ce tome est mon favoris !

♥♥♥♥♥


2°3 Le miroir d’ambre



Lyra est retenue prisonnière par sa mère, l'ambitieuse et cruelle Mme Coulter qui, pour mieux s'assurer de sa docilité, l'a plongée dans un sommeil artificiel. Will, le compagnon de Lyra, armé du poignard subtil, s'est lancé à sa recherche, escorté de deux anges, Balthamos et Baruch. Avec leur aide, il parviendra à délivrer son amie. À son réveil, Lyra lui annonce qu'une mission encore plus périlleuse, presque désespérée, les attend : ils doivent descendre dans le monde des morts…

C'est un tome plus difficile, qui coule moins de lui-même ai-je trouvé ; mais il n'est pas de moins bonne qualité ! Il est plus noir.

L'action n'est pas régulière dans ce volet. L'histoire avance par étape. On commence avec la quête de Will pour retrouver  Lyra ; j’ai beaucoup aimé l'idée du rêve entrecoupé de Lyra mais ce que je retiens surtout de cette partie, c'est la richesse des paysages décrits... merveilleux.

Une seconde partie, et pas des moindres, est consacrée à la descente dans le monde des morts. J'ai adoré le chemin jusque là ! Le monde en lui-même et l'après sont aussi bien décrits mais moins surprenants peut-être. Que d'émotions et de tristesse en retrouvant les morts, les anonymes mais aussi ceux que nous attendions de revoir !

La dernière partie du roman m'a moins transportée bien qu'elle m'ait complètement absorbée. La fin est vraiment à la hauteur de la virtuosité de la saga. Elle est très touchante, telle qu'elle doit être. Mais les héros sont encore très jeunes et nous n'avons aucun indice pour deviner ce que sera leur vie désormais... Le lecteur est libre de s'imaginer ce qu'il veut... c'est bien mais un peu frustrant dans ce cas. Cela dit, Pullman a complété sa trilogie par d'autres romans qui m'éclaireront peut-être !

♥♥♥♥♥




Un petit mot sur le film ?

 Il n'est vraiment pas à la hauteur du roman (il n'a d'ailleurs eu aucun succès si bien que seul le premier tome a été adapté). Il faut reconnaître que les décors sont bien travaillés et sont probablement le point fort du film (l'aléthiomètre est bien rendu, la mort aussi avec la disparition des daemons) même s'ils font un peu trop faux, retouchés. 

En fait, l'histoire est édulcorée, on y trouve moins les enjeux de fond, les ours ne sont pas très impressionnants, le daemon de Madame Coulter est tout petit (je voyais un singe plus imposant). Et cela se ressent dans l'interprétation des acteurs qui ne paraissent pas convaincus. Le casting est plutôt très bien mais le talent des acteurs n'est pas transcendé. Et je n'accroche pas du tout à cette Lyra (surtout à sa voix en VF, quelle insolence, arrogance et prétention).

Le réalisateur en a fait un film pour enfant et a donc gâché tout le potentiel de l'oeuvre. Dommage !

♥♥♥♥♥


Bon ça y est, j’ai envie de relire l'ensemble… encore !